Article publié dans LE MONDE TELEVISION le
30% de la population mondiale présente une ou plusieurs allergies. Les individus souffrant de rhinite, d’asthme ou d’allergies alimentaires se comptent en centaines de millions. Parmi eux, la journaliste italienne Patrizia Marani, qui a mené cette enquête en Europe et aux Etats-Unis afin de répondre à la question : pourquoi le nombre d’allergiques augmente-t-il de 5 % par an, au point que le phénomène a pris des proportions épidémiques ?
Dans l’allergie, le corps réagit de manière disproportionnée face à des éléments, apparemment inoffensifs, qu’il considère comme dangereux. Pour l’expliquer, l’hypothèse classique invoque l’excès d’hygiène. L’humanité est passée d’un contexte où elle était largement exposée à des maladies infectieuses et parasitaires, à une situation où celles-ci ont largement régressé dans les pays développés, précisément ceux où les allergies se sont multipliées. Faute d’y être confronté, notre système immunitaire aurait évolué et se comporte de manière inadéquate, expliquent les scientifiques interrogés.
FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
Le cœur du documentaire est la mise en évidence de l’implication des facteurs environnementaux, un paramètre nouveau par rapport à la traditionnelle hypothèse sur l’excès d’hygiène. Les particules émises par les moteurs diesel rendent les organismes plus sensibles aux allergies, indique le docteur Claudia Traidl-Hoffmann, de l’Institut de recherche environnementale de Munich. L’une des conséquences du changement climatique est que les pollens sont davantage et plus longtemps présents dans l’air. Le rôle des perturbateurs endocriniens est souligné par le docteur Shanna Swan, du Mount Sinai Medical Center à New York, l’une des pionnières dans l’étude de leurs effets néfastes. Les pesticides aux effets antibactériens, comme les dichlorophénols, qui pénètrent dans l’organisme, détruisent une partie de la microflore intestinale qui nous aide à digérer les aliments. Ces pesticides accroissent ainsi le risque d’allergie alimentaire.
Dans sa dernière partie, le film de Patrizia Marani met en avant la théorie que développe le professeur Ruslan Medzhitov. Pour ce professeur de l’université Yale (New Haven, Connecticut), l’allergie n’est pas seulement une pathologie où le système immunitaire réagit à tort contre des facteurs environnementaux inoffensifs, mais plutôt une forme de défense biologique, de même nature que la réaction allergique au venin d’abeille ou de serpent. Notre système immunitaire évolue pour répondre à des toxines et polluants environnementaux auxquels nous sommes de plus en plus exposés. Les personnes devenues allergiques serviraient de sentinelles au sein des groupes humains. Une théorie que l’on aurait aimé voir discuter davantage dans ce documentaire approfondi.
Documentaire mardi 27 mai 2014 à 20 h 50 sur Arte.